Nos actions
En 2024, Too Many Cowboys lance “FAIRE UN FILM”, un atelier montpelliérain d'une journée à destination des cinéastes émergent⸱es pour démystifier la réalisation d'un court-métrage, retravailler son scénario et identifier des pistes pour s'insérer dans l'industrie.
En 2022, Too Many Cowboys a lancé un Queer Cinema Club, en collaboration avec le collectif MartinE, et en association avec des bars montpelliérains tels que l’Ultraviolette et le Madrediosa. Venez donc célébrer le cinéma de nos représentations LGBTQIA+ et oublier que le monde est straight dans la joie et la bonne humeur, en jogging ou en bombe, sans sièges rouges mais avec popcorn et splendeur, un verre soft ou non à la main, comme à la maison mais avec un plus grand écran ! Au diable les débats pompeux et les manières, ici on kiffe ensemble et on se réchauffe le cœur autour des films oubliés ou pas de notre culture et de nos copaines et adelphes !
Notre manifeste
En décembre 2019, nous, Pauline Quinonero et Emma Séméria, réalisatrices et productrices, avons repris ensemble les activités de la société Too Many Cowboys. Fondée en 2012 par Rodolphe Olcèse, Too Many Cowboys s’est d’abord majoritairement intéressée aux formes documentaires et expérimentales, mais aussi au multimédia et aux formes narratives innovantes. En 2018, la production du court-métrage Les Enfants de la baie et l’aventure humaine qu’elle a suscitée ont donné l’impulsion à notre actuelle collaboration et à notre désir commun d’orienter Too Many Cowboys vers davantage de fictions. Depuis, nous œuvrons à défendre des projets de tous horizons, aux esthétiques et aux propos variés, en faisant confiance à la rencontre et à l’émotion miraculeuse du tournage qui émerge par l’entremise du collectif auquel nous croyons profondément.
Par ce message, nous ne voulons pas seulement vous parler de notre restructuration d’entreprise. Nous ne sommes pas un simple logo ou une signature en bas de page. Nous avons quelque chose à vous dire. Chacun·e sait que, dans le milieu de la production et du cinéma, il est préférable de se taire, de ne pas parler trop fort, et surtout, de garder pour soi ce que l’on pense. On sent vite peser les incitations au déni pratiqué et consenti. Ces injonctions tacites se sont manifestées récemment comme une vague froide traversant la cérémonie des César quand Aïssa Maïga, courageuse et sublime, a pris la parole. Silences désapprobateurs, regards vagues et gênés : la “grande famille du cinéma” français ne supporte pas d’être confrontée à son propre reflet !
Il faut dire qu’on nous apprend, à nos dépens, à ravaler la colère et, avant elle, nos intuitions et nos réflexions. On nous apprend à accepter ce qui “est“, ce qui doit être, et ce qui ne sera jamais. On nous apprend à sécher nos larmes et à laisser aboyer les chiens enragés au fond de l’âme. On nous apprend à douter de nos propres convictions et à les ramollir à force de mouvements en faveur d’une certaine tyrannie de la réalité. On nous apprend à nous comporter dignement, à nous habiller correctement – costumes, cravates, talons – à soigner notre maladresse et à corriger nos trop grands éclats de rire. Ça s’appelle être adulte, paraît-il. Apprendre à habiter le monde par la résignation. Cesser de faire des vagues. Enterrer sa foi et sa sensibilité. Faire des sacrifices d’abord pour espérer ne plus en faire plus tard, “parce que c’est comme ça que ça marche”. On nous apprend à faire un peu semblant et à oublier. Et puis, bien sûr, à nous taire.
L’ordre des plus forts : voilà ce que notre “grande famille” nous a donné à voir le 28 février dernier – et si seulement il n’y avait qu’elle ! C’est ce même milieu qui nous fait douter de notre légitimité à parler : qui sommes-nous pour élever notre voix, qui sommes-nous pour dire ce que sont et ce que pourraient être la production et le cinéma ? Qui le dit encore ? On nous fait bien souvent comprendre que nous avançons avec des modèles intransgressibles, des colosses en place depuis trop longtemps, des modèles de fabrication mais aussi de fabricant·e·s du cinéma qui prennent la forme de parcours exemplaires. Chacun·e à sa place, chacun·e dans son rôle : quand tout est déjà écrit, à quoi bon penser encore ? En ce sens-là, aussi, nous sommes réduit·e·s au silence ; un silence qui ne profite pas seulement aux oppressions et au pouvoir, mais qui va aussi dans le sens d’une description rigide, datée et académique de nos métiers, de nos pratiques, et donc de nos vies.
Nous ne voulons plus de ces représentations datées, écrasantes et mortifères que le système impose à nos films. Nous ne voulons plus d’un monde où nos figures de courage et de dignité sont moquées et discriminées parce qu’elles sont des femmes, parce qu’elles sont noires. Nous ne voulons plus d’un monde où le mépris et la culture du viol règnent si fort qu’on en appelle à séparer l’homme de l’artiste et à encenser l’esthétique d’un film au détriment de la vie de femmes. Nous ne voulons plus de cette “grande famille” qui sacre un pédocriminel multirécidiviste et lui remet des prix sous d’insupportables applaudissements. Nous ne voulons plus d’un monde paternaliste, sexiste, raciste, violent et discriminant où pratiquer nos métiers est un sport de combat. Nous ne voulons plus d’un milieu où être soi-même est un acte de résistance. Nous ne voulons plus d’un monde où notre réussite est empêchée par notre bienveillance, notre cœur et nos valeurs d’inclusion, d’amour et de paix.
Opposons au système des paroles résolument personnelles qui ne tiennent qu’à celles et ceux qui les prennent, et détachons-nous de la pensée qui court librement sur la production, le cinéma et le monde en général. Formons une armée, une armée de cinéastes. Soutenons ensemble les auteur·ice·s renvoyé·e·s sur le banc de touche, ces magnifiques différent·e·s qui ne correspondent à aucune des attentes de la norme déshumanisée que nous voulons voir disparaître. “Inventer, est-ce possible ? Il faudra bien inventer de toute façon ; à moins qu’il ne reste plus qu’à périr”, écrivait Annie Leclerc dans Parole de femme en 1974. Inventer, ici, revient à sortir notre épingle du jeu, à extraire d’un système et de ses généralités de nouvelles voix et, avec elles, à remplacer l’image en vigueur. Il est temps de déblayer, à la force de nos cœurs et de notre passion, des zones vierges, des zones où nos singularités respectives peuvent exister plus fort que les comportements qu’on attend de nous, plus fort que les chemins qu’on nous a tracés. Et si nous pensions, aimions, voulions, autrement ? Alors, il faudrait le dire. Nous ne ferons plus semblant. L’amnésie est finie.
Haut les cœurs ! Nous avons hâte d’inventer, en images et en mouvements, un nouveau monde avec vous.
Pauline et Emma
Le 13 mars 2020